Christian Bobin est sans aucun doute l’auteur dont l’écriture me fascine le plus de tous les écrivains contemporains, tant sa plume est puissante, précise et poétique.
Moi qui aime les écrivains avec un vrai style, je suis décidément très gâtée avec Bobin, poète parmi les poètes, reconnaissable parmi tous. Un régal ! Ce weekend, je suis tombée sur un article de Christian Bobin, paru dans Le Monde des Religions (mai-juin 2014, page 82). Cet homme excelle dans l’art des mots.
Extrait :
« Un ténor changeait mes os en cristal. Ce n’était rien, juste un chant d’oiseau dans le jardin que traversait une armée en marche des couleurs, sous le casque des fleurs. Je ne voyais pas le prophète, je n’entendais que ses leçons. Il réveillait le soleil. Dieu me rentrait par l’oreille. J’étais reconduit au paradis d’être vivant, donc immortel. Des murailles invisibles s’effondraient sous le chant d’un oiseau inconscient de son sacre, de son don, de sa race divine.
Ses notes tombaient comme une eau surnaturelle sur les flammes de l’enfer. Sois présent, disait l’oiseau : garde tes soucis, garde tes projets, garde tes liens, puisque tu as la faiblesse de tenir à tout ça. Garde tout, mais élève toi d’un cran, ne serait-ce qu’un instant. Hisse-toi sur ce tabouret de joie que je t’apporte, oui hisse-toi un instant qui ne sera plus qu’un instant jusqu’à cette note que je tiens, jusqu’au sans-souci, sans-projet, sans-lien. Jusqu’au rien.
Chemise gonflée par le vent, l’oiseau chantait à tue-tête les amours de la lumière et du vide. Je goûtais à ce que les morts ne savent plus et que les vivants négligent : la liqueur bleutée de l’air, l’ivresse de renaître par décret solaire. La joie qui me traversait réveillait un consentement à vivre, donc à perdre.
Puis l’écriture sainte s’est envolée. Le soleil a tourné la tête. Une caravane de nuages a traversé le ciel. Je suis rentré dans mon cœur où, par grâce, plus rien n’était en ordre. J’ai cherché dans les livres quelque chose, je ne savais quoi. La bouteille me parle, dit l’ivrogne : bois-moi. Les livres me disent la même chose. Quand je lis, ma tête est coupée et je ma porte dans mes mains comme les saints des vieilles images. Les saints surgissent de leurs écrits le visage barbouillé du miel des lumières, comme des ours de l’absolu.
Vivre, c’est gravir pas à pas une montagne enneigée et en avoir les yeux brûlés. Cette lumière, ce feu volant de crête en crête, de mot en mot ! (…)
La vie est un flux de particules lumineuses dont les saints et les oiseaux aident la circulation infinie. Ce qui peut être expliqué ne mérite pas d’être compris. Je me demande pourquoi tant de livres quand un seul chant d’oiseau dit tout.»
Merci beaucoup pour ce chant de joie qui, associé au soleil radieux du jour, a illuminé ma matinée ! J’ai cru l’entendre chanter… Ce texte m’a fait grimper sur un petit tabouret l’espace d’un instant. Il m’a rappelé à quel point certaines petites choses peuvent me mettre en joie, comme un croissant de lune ou un champ de coquelicots. Alors merci pour ce beau début de semaine que je te souhaite tout aussi lumineux.
🙂
Merci à toi !… et gare à ceux qui auraient comme idée de faire vaciller mon tabouret ! Non mais !!… 😉
Merci pour ce très beau texte qui met ce début de semaine sous les meilleurs auspices de la voie du Coeur.
Quelle plus belle voie en effet ?… 🙂
J’ai profité de cette parenthèse nécessaire pour ne pas s’oublier. Merci Modile
Bisou
Liliane
🙂
Ouf, j’ai trouvé (grâce à toi il faut bien le dire…) la case pour faire des commentaires… Très beau texte sur un très bel article lu ce weekend… Merci Marie-Odile. Quelle plume !
Oui, tu as raison : quelle plume, ce Bobin !… Je ne m’en lasse pas.
merci pour ces mots …..
Merci de les apprécier …