Dans mon dernier article, j’évoquais le pouvoir de la vulnérabilité.
Or face à un monde changeant et de plus en plus menaçant, que font les entreprises ?
Au lieu d’aider les salariés à mieux vivre l’incertitude et notre incapacité collective à tout prévoir, beaucoup cultivent le déni en remplaçant l’incertain par plus de prévisionnel (plus de reporting, plus de tableaux de bord, plus de nouveaux indicateurs à suivre).
D’autres encore réduisent l’impact de leurs erreurs de gestion dans des campagnes de communication en langue de bois : les pétroliers s’échouent, les centrales nucléaires fuient, la nourriture est de plus en plus toxique, les produits doivent être retirés de la consommation… mais « tout va très bien, Madame la Marquise : tout est sous contrôle ». De qui se moque-t-on ?… Continuer la lecture
Je fais partie de ceux qui croient que les temps changent. Je crois que les entreprises qui réussiront demain seront celles qui développeront l’authenticité dans leurs réactions, dans leurs relations devrais-je écrire, que ce soit vis-à-vis de leurs salariés, ou de leurs clients.
Il me semble qu’un des thèmes émergents sur lequel vont de plus en plus se pencher les DRH n’est plus la satisfaction des salariés, mais davantage leur l’engagement (le premier étant dès lors appréhendé comme la conséquence du second, et non plus comme un but en soi).
La satisfaction s’achète. L’engagement se mérite. C’est là toute la différence.
Et pourtant, l’engagement est une valeur en déclin : il suffit de discuter avec un kiné, un médecin, un dentiste pour voir qu’ils sont de plus en plus confrontés à un nouveau fléau: les personnes prennent rendez-vous, « s’engagent »… mais ne viennent pas et n’honorent pas leur parole. Sans aucun complexe, ni état d’âme, les mots ne sont plus suivis par des actes en cohérence. Le sens de l’engagement individuel a disparu. Et ce n’est pas mieux collectivement : essayez simplement de faire démarrer un groupe, de quelque nature que ce soit (groupe de pairs, groupe de travail, groupe thérapeutique) à l’heure : il y en aura toujours en retard ou d’autres avec de « bonnes excuses » pour vous expliquer les raisons pour lesquelles les règles de fonctionnement d’équipe les plus simples et basiques ne s’appliquent pas dans leur cas. Cette capacité à ne pas s’engager vis-à-vis de soi -et donc des autres- me fascinera toujours. Comment peut-on, à ce point, revendiquer une chose… et faire son contraire ?
Mais c’est quoi l’engagement ?
En psychologie sociale, l’engagement désigne le lien entre les actes et les décisions d’un individu. Selon la théorie de l’engagement de Kiesler (1971), seuls nos actes -et non pas nos mots- nous engagent vis-à-vis d’autrui. Nos opinions, désirs et revendications ne sont pas visibles, alors que l’action l’est. L’engagement devient de fait l’opération ostentatoire et visible de la pensée.
Selon sa nature, le terme d’engagement recouvre plusieurs réalités : l’engagement spontané, l’engagement durable, l’engagement par intérêt et ’engagement par conviction.
Quelles sont les théories de l’engagement ?
Pour Kurt Lewin et à sa « psychologie de l’engagement, un comportement ne découle pas directement d’une motivation, mais passe en amont par « la décision de se comporter » de telle ou telle manière. Cette décision va limiter les options possibles et figer le décideur sur sa décision initiale : c’est ce qu’il appelle « l’effet de gel » (qu’il illustre par l’exemple d’une personne qui s’engage publiquement à faire quelque chose et se sent dès lors, ensuite « obligée » et tenue de respecter son engagement).
Comment renforcer l’engagement ?
Les principaux facteurs sont :
- le contexte de liberté dans lequel l’acte est réalisé : plus un acte est réalisé dans un contexte de liberté, plus il est engageant. Les milieux de contraintes en entreprises, favorisés par la mise en place de beaucoup de contrôle ne sont donc pas propices à l’engagement des salariés. Des études ont d’ailleurs mis en évidence le lien direct entre le contrôle et la baisse de l’engagement.
- le caractère public de l’acte : un acte est d’autant plus engageant qu’il sera réalisé publiquement. Il convient d’abandonner l’idée d’un acte dont l’anonymat serait garanti, au profit d’une authenticité des actions et des pensées clairement assumées.
- le caractère explicite de l’acte: un acte explicite est plus engageant qu’un acte implicite ou ambigu. A bons entendeurs…
- l’irrévocabilité de l’acte: un acte irrévocable est plus engageant qu’un acte qui ne l’est pas ou qui serait limité dans le temps.
- la répétition de l’acte : un acte répété est plus engageant qu’un acte qu’on ne réalise qu’une seule fois.
- les conséquences de l’acte : un acte est d’autant plus engageant qu’il est lourd de conséquences et d’implications.
- le coût de l’acte : un acte est d’autant plus engageant qu’il est coûteux en moyens, que ce soit en argent, en temps, en énergie, en émotions.
- les raisons de l’acte : un acte est d’autant plus engageant qu’il ne peut être imputé à des motivations extérieures (telles qu’une promesse de récompenses, une menace de punition) et qu’il peut être imputé à des raisons internes (ex : des valeurs personnelles, des traits de personnalité).
Nul doute que l‘engagement est -et deviendra- une thématique récurrente dans le contexte actuel. Vouloir positionner ses clients et prospects au centre des campagnes est légitime. Positionner ses salariés au centre de ses préoccupations devrait l’être également : on ne fait des clients heureux qu’avec des salariés épanouis, ce qui va sans dire va encore mieux en le disant.
Les entreprises de demain seront humaines ou ne seront pas. De mon point de vue, seules celles capables de susciter l’engagement de leurs salariés prospèreront.
Je pose une question : à quand une fonction dédiée à l’engagement au sein des entreprises ? A quand l’engagement comme acte stratégique de réussite ? Les Etats-Unis l’ont déjà compris et commencent à intégrer cette fonction au sein de leurs organisations : on commence à voir fleurir outre Atlantique, des Vice Présidents dédiés à l’engagement des salariés, qui siègent au Codir, à côté du VP HR.
Et si l’engagement était la pierre angulaire de la satisfaction des salariés ?
Et vous ? Quel est votre rapport à l’engagement ? Qu’est-ce qui vous motive en profondeur et vous lie ?
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